Le lien entre la sécurité alimentaire et le changement climatique
Depuis des siècles, les peuples autochtones, y compris les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis, utilisent les ressources de la terre pour se nourrir et subvenir à leurs besoins. Leur culture a été façonnée par leur rapport à la terre et par le savoir traditionnel qu’ils ont transmis de génération en génération sur la façon de se nourrir des plantes et des animaux de leur territoire. La chasse et la recherche de nourriture font partie de la culture autochtone et permettent aux Nations autochtones d’obtenir des sources de nourriture précieuses qui peuvent être appréciées et partagées au sein de leurs communautés.
Image créée par Oona Tempest
Image créée par Noah Maniapik
Malheureusement, le changement climatique a altéré les terres sur lesquelles nous vivons aujourd’hui, ce qui empêche beaucoup de Nations autochtones de se procurer de précieuses sources de nourriture et de perpétuer leurs traditions. Au fil des ans, le changement climatique a provoqué de nombreuses perturbations de l’environnement, notamment :
Modification des températures du sol, de l’air et de l’eau
Augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes (incendies de forêt, inondations, vagues de chaleur, tornades, etc.)
Sécheresse
Pluies abondantes plus fréquentes
Érosion côtière le long des océans et des lacs
Fonte des glaces et du pergélisol
Cela signifie que le nombre d’animaux sauvages à chasser diminue et que les chasseurs doivent désormais parcourir de plus grandes distances pour les trouver. Outre les problèmes liés à la chasse, les effets du changement climatique perturbent également les voies de transport, ce qui rend encore plus difficile l’approvisionnement des communautés en denrées alimentaires vitales.
Dans un avenir proche, les incendies de forêt dans le territoire canadien du Yukon réduiront l’habitat hivernal de la harde de caribous de Porcupine de 21 % [x].
La diminution des produits issus de la chasse et de la cueillette oblige les communautés isolées à recourir davantage aux produits alimentaires achetés dans les magasins, qui sont coûteux et contiennent davantage de conservateurs, de sel et de sucre. Ce phénomène a été associé à des problèmes de santé tels que le diabète, l’obésité et les troubles mentaux en raison d’une modification des micro-organismes intestinaux[xi]. Un régime alimentaire composé d’aliments occidentaux typiques, riches en sucre et en graisses, peut également altérer le fonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), ce qui peut conduire à la dépression et à l’anxiété [x]. Cela montre clairement pourquoi il est si important pour les peuples autochtones de conserver la capacité de chasser et de cueillir des aliments traditionnels, afin de soutenir la santé physique et mentale de leur communauté.
(Li & Galloway, 2023)
Le lien entre la salubrité alimentaire et le changement climatique
La salubrité des aliments est un autre problème lié au changement climatique qui affecte la santé et le bien-être de nombreuses communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis à travers le Canada, en particulier les communautés éloignées et côtières.
Une enquête menée par le Centre autochtone de ressources environnementales (CARE) auprès de Nations et d’organisations autochtones à travers le Canada a révélé que les changements de température et de niveau des eaux douces et des océans ont affecté la qualité et la quantité de certains aliments comme le poisson, les mollusques et les phoques. La qualité de l’eau s’est également dégradée dans de nombreuses régions, notamment en raison de la présence accrue d’agents pathogènes et de sédiments due au réchauffement des températures [xiii]. Cette situation pose des problèmes en ce qui concerne la disponibilité de sources alimentaires marines et d’eau douce salubres.
Certaines communautés autochtones d’Alaska ont créé des réseaux scientifiques pour tester les niveaux de toxines dans les coquillages en raison de la prolifération d’algues nuisibles dans les eaux plus chaudes [xiv].
Changement climatique et populations de saumons au Yukon
En 2020, la Première Nation des Gwitchin Vuntut d’Old Crow, au Yukon, a constaté une diminution du nombre de saumons présents dans les zones de pêche traditionnelles. De nombreux membres de leur communauté tentent de vivre des sources d’alimentation traditionnelles, mais le changement climatique a rendu la situation très difficile. Ils estiment que le réchauffement des eaux est à l’origine du déclin des populations de saumons, un membre de la communauté a déclaré : « Il est plus difficile de pêcher. L’année dernière, nous n’avons pas trouvé de saumon dans la rivière »[xv].
Photo par Peter Mather; Les populations de saumon rouge chinook sont en déclin dans le fleuve Yukon [xvi].
Stratégies actuelles en matière de sécurité et de salubrité alimentaires
Pour lutter contre certains des problèmes de sécurité alimentaire auxquels les Nations autochtones sont confrontées, les communautés et les organisations ont mis au point des stratégies utiles, qui constituent un bon point de départ vers la souveraineté alimentaire des Autochtones!
Récolte directe des aliments traditionnels
La récolte directe d’aliments sur leur propre territoire, comme la sève d’érable, permet aux communautés de savourer des aliments traditionnels sans avoir à dépendre des voies de transport ou des congélateurs de stockage.
L’eau sucrée est une source alimentaire traditionnelle riche en minéraux et en nutriments récoltés sur les érables[xvii]. Sans compter qu’elle est très hydratante et rafraîchissante!
Manipulation et préservation sécuritaire de la nourriture
En utilisant des techniques de manipulation et de conservation sûres, les communautés peuvent exploiter leurs propres sources d’aliments traditionnels, comme le poisson, les palourdes et le gibier, en vue de renforcer leur sécurité alimentaire et de partager ces aliments avec ceux qui n’ont pas directement accès aux aliments traditionnels.
Les techniques de fumage, de marinage et de salage sont trois méthodes utilisées pour conserver les aliments comme le poisson[xviii].
Programmes de banque alimentaire
Pouvoir obtenir gratuitement de la nourriture auprès d’une banque alimentaire aide les membres des communautés autochtones à combler les lacunes dans leur régime alimentaire en se procurant des produits sans danger.
Les programmes de banques alimentaires comme « Anishnabeg Outreach » proposent aux familles autochtones dans le besoin des services de livraison ou de ramassage de produits de première nécessité comme de la nourriture, des vêtements et des articles ménagers[xix].
Programme « Sac à dos » pour les enfants
En fournissant aux enfants des déjeuners, des dîners et des collations tout au long de l’année scolaire, nous contribuons à lutter contre les problèmes de sécurité alimentaire et de santé des enfants vulnérables.
Des programmes comme le « Indigenous School Food Circle » (Cercle scolaire d’aliments autochtones), gérés par la Coalition pour une saine alimentation scolaire et par Canadian Feed the Children, soutiennent les programmes d’alimentation scolaire pour les élèves des communautés autochtones [xx].
Congélateurs communautaires
Disposer d’un congélateur communautaire pour stocker des aliments traditionnels comme le phoque, l’élan et d’autres viandes de chasse donne à tous les membres de la communauté la possibilité de se procurer des aliments traditionnels, ce qui contribue à soutenir la tradition communautaire et culturelle. Certains programmes fournissent même de l’essence aux chasseurs qui remplissent les congélateurs de viande, ce qui leur permet d’accéder à des sources d’alimentation traditionnelles auxquelles ils n’auraient pas accès autrement[xxi].
Le congélateur communautaire de Nain, au Nunatsiavut, fournit de la viande sauvage comme le caribou, l’omble chevalier et le phoque à plus de 500 personnes par moisxvii. C’est beaucoup de nourriture!
Centre d’amitié « commandes de nourriture traditionnelle »
Un programme de distribution de viande de gibier et d’autres aliments traditionnels (comme le phoque, la baleine et l’omble chevalier) provenant des régions septentrionales aux communautés autochtones du sud du Canada permet à ces dernières de savourer des aliments traditionnels même si les sources d’approvisionnement ne se trouvent pas à proximité.
Les commandes de nourriture traditionnelle permettent aux membres du Nord, comme les chasseurs de phoques Inuits, de partager des aliments traditionnels avec les communautés autochtones du Sud [xxii].
Tournés vers l’avenir
Certaines stratégies tournées vers l’avenir peuvent également être utilisées pour résoudre les problèmes de sécurité alimentaire des autochtones à long terme. L’une des stratégies identifiées par les communautés consiste à collecter et à stocker des semences de légumes, d’herbes et de fleurs traditionnelles dans les communautés autochtones. Ces graines peuvent ensuite être offertes à diverses communautés pour qu’elles puissent créer des jardins de plantes et d’herbes traditionnelles.
Voici d’autres stratégies tournées vers l’avenir :
- Le soutien et le financement de projets de recherche qui aident les chercheurs communautaires et les coordonnateurs régionaux responsables de la sécurité alimentaire à rendre la nourriture plus facile à trouver et à obtenir.
- La création et le maintien de serres durables tout au long de l’année qui peuvent fournir des produits frais et peu coûteux.
- Le financement d’épiceries gérées par des Autochtones
- Des programmes mensuels de supplément alimentaire pour les familles
- Un soutien accru pour la récolte et la distribution d’aliments traditionnels
- La mise en place d’un soutien aux Aînés pour qu’ils puissent se procurer des produits de la mer et de la campagne.
- La création de programmes qui encourage la diffusion des savoirs traditionnels et qui en fait la sensibilisation.
Une épicerie communautaire a ouvert ses portes en octobre 2022 dans la Première Nation de Pukatawagan pour offrir aux habitants des produits alimentaires de qualité à des prix moins élevés [xxiv].
Le jardin Mashkikiiaki’ing (Medicine Earth) à Toronto, en Ontario, offre aux populations autochtones qui vivent en milieu urbain la possibilité de cultiver des plantes autochtones et de partager leur savoir traditionnel avec la communauté [xxiii].
Watari et ses programmes de repas chauds et d’épicerie
Pour aider les personnes âgées et les autres membres vulnérables de la communauté, le Watari Counselling & Support Services du Downtown Eastside (DTES), à Vancouver, en Colombie-Britannique, organise des programmes de repas chauds et d’épicerie. Un de leurs programmes fournit chaque semaine des aliments traditionnels, frais et nutritifs à 45 personnes âgées [xxv]. Ce programme montre qu’il est important que les organisations locales soutiennent les membres vulnérables des communautés autochtones qui luttent pour leur sécurité alimentaire et pourrait servir d’exemple à d’autres organisations désireuses de s’impliquer!
La livraison d’aliments frais aux personnes âgées contribue à améliorer leur santé et à réduire les problèmes liés à la sécurité alimentaire [xxvi].
Ces initiatives sont un bon début pour soutenir les communautés autochtones qui luttent contre l’insécurité alimentaire due au changement climatique et qui s’efforcent de préserver leur culture et leur communauté.
Avoir un impact
Pour faire une véritable différence dans les communautés autochtones en ce qui concerne le changement climatique et la sécurité alimentaire, il est important de prendre en compte l’ensemble des conséquences de ces changements sur chaque communauté. Les effets du changement climatique rendent difficile l’accès de nombreuses communautés autochtones à leurs territoires de chasse et de pêche traditionnels et affectent la qualité et la quantité des sources alimentaires locales. Elles ont également un impact sur la culture autochtone et sur la capacité des Gardiens du savoir autochtone à partager leurs connaissances traditionnelles avec les générations futures.
Comme nous l’avons mentionné, quelques stratégies sont actuellement mises en œuvre pour aider les communautés à faire face aux défis de la sécurité alimentaire et du changement climatique, notamment des programmes de repas, des congélateurs communautaires, des programmes de « commandes de produits locaux », et bien d’autres encore. Malgré la mise en œuvre de ces stratégies et de certaines tactiques tournées vers l’avenir, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la sécurité et la salubrité alimentaires dans les Nations autochtones, en particulier dans les régions isolées!
Si certaines de ces stratégies, ou une combinaison de ces méthodes sont mises en place et soutenues par les organisations et les gouvernements, les impacts du changement climatique et les problèmes de sécurité alimentaire dans les communautés autochtones pourraient être minimisés. Cela permettrait d’atténuer le stress lié aux problèmes de sécurité et de salubrité alimentaires dans les communautés et de permettre aux savoirs traditionnels et à la culture autochtone de prospérer.
Le savoir traditionnel est un élément important de la culture autochtone qui permet aux personnes des générations précédentes de transmettre des informations et des expériences aux membres plus jeunes de la communauté [xxvii].
À découvrir! Une communauté autochtone d’Inuvik a transformé un ancien stade de hockey en une serre communautaire pour fournir des légumes frais, des herbes et des fleurs sauvages à la communauté [xxviii].
« A Tribute to Aboriginal Women » (un hommage aux femmes autochtones) créé par Leah Dorion (« Artwork, » n.d.) [xxix].
Remerciements
Une grande partie des informations utilisées dans ce livre de nouvelles ont été adaptées de l’«Analyse environnementale sur la sécurité alimentaire » produite par le CARE en août 2023. Pour recueillir des informations pour ce rapport, le CARE a consulté un certain nombre de communautés et d’organisations autochtones et a mené une enquête nationale afin de mieux comprendre les défis auxquels sont confrontées les Nations autochtones à travers le Canada. En plus de cela, le CARE s’est référé à divers articles de revues et rapports, tous crédités dans la section « Annexe » de leur rapport.